Akhenaton : "La nouvelle génération doit redéfinir une nouvelle manière de vivre"

  • Le 09/07/2021

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(Source image : SURLmag)

Trente-deux ans d’existence, dix albums, 500 morceaux et plus de trois millions de disques vendus, IAM a démocratisé le rap et le hip-hop dans l’Hexagone depuis les années 90. En 2021, l’indémodable groupe ne semble pas avoir pris une ride, leurs plus gros tubes continuent de faire danser les français, et leur public, toujours aussi fidèle, répond présent à chaque concert. Les marseillais reviennent avec un nouvel EP de six titres nommé ‘Première Vague’ restant toujours dévoués à leurs principes jusque dans leurs textes : poétique et engagé. Pour l’occasion, Akhenaton un des piliers d’IAM, se livre à nous sans filtre sur l’actualité, son œuvre littéraire, sa vision musicale, ses projets et ses espoirs.

Le 8 avril 2021 vous sortez un livre résumant notre société à la dérive : La faim de leur monde. Œuvre qui fait écho au morceau musical de 2006; La fin de leur monde. Quinze ans après le constat est le même au final ?

Akhenaton : On va dire de manière triste oui et peut-être même pire parce que c’est plus qu’une crise ce qu’on vit, au-delà de la crise sanitaire, il y a aussi une crise de civilisation. Je pense qu’on est appelés, en tant qu’être humain, à interagir et aujourd’hui les humains s’isolent, deviennent très individualistes, ne pensent pas à la communauté ni à leurs voisins. C’est vrai que les réseaux sociaux, l’information en boucle et maintenant la COVID, tout cela a vraiment isolé les gens. J’espère que les nouvelles générations iront au-delà de tout ça et redéfiniront une nouvelle manière de vivre et de communiquer ensemble.

Justement, la crise sanitaire provoquée par le coronavirus devrait nous rappeler qu’on doit être solidaires. Vous pensez que les mentalités ont changé depuis 2020 ou pas tant que ça ?

Non, ça n’a pas changé, ça s’est même aggravé puisque les gens se sont renfermés et sont dans la méfiance de l’autre. Dans la peur d’être contaminé, de tomber malade et de mourir, tout ça fait que la méfiance s’est renforcée…  Je trouve que c’est triste. Tu sais, j’ai perdu beaucoup de gens que j’aimais ces derniers temps et ça m’a fait réaliser que la vie c’est ça : mettre des belles choses dans le cœur et dans la tête, dire aux gens qu’on aime qu’on les aime et c’est important de profiter, de s’émerveiller de beautés naturelles chaque jour. Pour moi l’homme doit garder ce contact avec la nature et avec ses semblables, c’est obligatoire sinon on deviendra tous des "robots".

En parlant de solidarité ça vous tient à cœur de répondre présent à des associations comme Un Sourire un espoir pour la Vie ?

Oui, à chaque fois que je peux et le groupe pareil (IAM). A chaque fois qu’on peut, on mène des campagnes. Là dernièrement à Marseille, on a essayé d’aider une association qui distribue des repas gratuits pour les nécessiteux, donc elle a réquisitionné un ancien McDonalds, pour en faire un concept qui s’appelle L’après M, une sorte de fast-food social, distribuant des colis alimentaires pour les gens dans le besoin. Pareil pour Pascal, dès qu’il m’appelle pour son association, on essaie de tout faire pour répondre présent !

Aujourd’hui, vous vous considérez toujours comme un rappeur ou comme un porte-parole ?

Je ne sais pas si je suis un porte-parole. En fait, je porte notre parole à nous, celui du groupe IAM, car on a toujours été engagés dans nos textes, on a toujours dit les choses qu’on devait dire parfois même à l’encontre de certains. Comme lors de cette période sanitaire, on a pris deux-trois fois position, et puis des journalistes nous ont appelé complotistes alors que pas du tout ! On ne donne que notre avis, il faut juste faire marcher le cerveau à un moment donné, faire ouvrir les yeux, regarder les vrais chiffres, arrêter d’avoir peur tout le temps, et surtout trouver des solutions. Aujourd’hui, on dirait qu’il y a deux camps : ou tu es avec le doliprane à la maison, ou tu es sous respirateur à l’hôpital, mais je suis désolé entre les deux il y a des choses à faire. Il aurait déjà fallu autoriser les médecins de familles à pouvoir traiter les gens, fournir les pharmacies de tout le nécessaire, comme par exemple l’oxygène dans un premier temps pour intervenir très vite afin d’éviter que ça se dégrade. Je pense qu’aujourd’hui on est tellement devenu un pays "hiérarchisé" de papiers, de procédures, avec tout ce qui doit être carré qu’on en oublie peut-être la dimension humaine.

Résumez-nous, à votre façon, pour ceux qui ne connaissent pas, le « IAM concept » sur la chaîne YouTube LA COSCA ?

C’est une émission qu’on a créée pendant les premiers confinements pour pouvoir rester en contact avec notre public. Aujourd’hui, un groupe comme IAM, lorsqu’on sort un album, on part en concert dans toute la France donc on est vraiment un groupe de la scène et le fait de rester à la maison nous a complètement perturber. On n’a pas l’habitude de rester aussi longtemps enfermés. On voulait rester en contact avec les gens donc on a eu l’idée de monter cette petite émission pour parler de tout et de rien. Pas que de musique, mais aussi d’actualité en général, les sujets qui nous intéressent on les aborde. On va continuer ce concept à la rentrée lorsqu’on sera en tournée, sur la route.

Vous pensez que la culture hip-hop peut sauver l’industrie musicale ?

Je ne sais pas si ça peut sauver l’industrie musicale car cette dernière a fait un choix, celle de favoriser le streaming. Moi ce qui me gêne aujourd’hui avec le streaming, c’est que les répartitions pour les artistes avec les grandes maisons de disques sont trop faibles, c'est-à-dire qu’un artiste pour qu’il gagne sa vie avec une grande maison de disques c’est plus compliqué que quand il y avait des CD, donc aujourd’hui tu vois l’émergence d’artistes indépendants. C’est pour ça que nous, avec IAM, on a choisi d’être indépendant, pour pouvoir travailler nos projets avec nos propres moyens modestes. De plus, je pense que ce qui pourrait peut-être sauver l’industrie du disque, c’est le fait de créer aussi de ‘beaux objets’ à l’ancienne qui restent dans le temps car aujourd’hui, on ressort les vinyles, les coffrets collector et ça plait ! Il faut rendre les choses attractives pour les gens. Certes, le public d’aujourd’hui adhère au streaming mais il y en a aussi qui aiment posséder les disques, les vinyles qu’on peut garder indéfiniment et qui serviront toujours malgré les nouvelles technologies, c’est comme ça que je conçois la musique.

Vos prochains projets ?

Notre EP Première Vague est sorti il y a quelques semaines, on va se baser sur sa promotion et surtout on espère remonter sur scène et reprendre notre tournée en octobre 2021. On va commencer par les petites salles en espérant faire de plus grandes salles l’année prochaine comme les zéniths et puis bien sûr les festivals !

 

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